Le Comptable
Questions à Mona Benabdelhafidh (MB) et Michèle Smecca (MS), comptable et expert comptabilité à la Caf de La Loire
Quelles sont aujourd’hui les principales missions du service comptabilité ?
MS : Il assure le paiement des dépenses et l’encaissement des recettes, la gestion de la trésorerie, la tenue de la comptabilité et le recouvrement des créances. Les membres du service effectuent tous, à tour de rôle, chacune des tâches afférentes à ces missions, hormis quelques opérations comptables spécifiques de fin d’année confiées aux experts de l’équipe.
A quoi correspondent les dépenses d’une Caf ?
MS : Une grande part est liée au paiement des prestations aux allocataires et aux partenaires mais nous avons aussi, bien entendu, des dépenses de personnels, d’achats de biens et services et des frais de fonctionnement.
MB : La gestion de ces dépenses, comme celle des recettes, s’organise autour du principe de séparation des responsabilités d’ordonnancement, d’une part ,et de paiement, d’autre part. Les services ordonnateurs agissent sur délégation du directeur pour passer des commandes et émettre des ordres de dépense. Notre service, placé sous la responsabilité de l’agent comptable, vérifie la validité des commandes (pièces justificatives, enveloppe budgétaire etc.) et des ordres de paiement (correspondance entre facture, commande et livraison etc.), y compris la paie des personnels. Cette vérification nécessite souvent des contacts avec les services ordonnateurs et nous avons donc des relations avec une grande part du personnel.
Concrètement, comment se passent les paiements ?
MS : Le service comptabilité les effectue sur délégation de l’agent comptable. Les paiements ont lieu par virement bancaire, du compte de la Caf vers celui du destinataire. Pour les paiements aux allocataires, qu’il s’agisse du paiement mensuel des prestations ou d’autres aides financières, la règle incontournable est le « J+1 » : lorsque le système informatique de traitement des dossiers allocataires indique un paiement à effectuer, l’opération de virement a lieu le lendemain. Pour les ordres de paiement que nous transmettent les services ordonnateurs, la règle est le « J+2 » : l’opération de virement doit être effectuée le surlendemain.
Quels sont les moyens utilisés pour respecter ces délais ?
MS : Compte tenu du fait que les organismes de Sécurité sociale sont soumis au principe de la « trésorerie à 0 », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas immobiliser de l’argent sur leur compte, nous devons faire des prévisions rigoureuses de nos besoins à J+1 et J+2. Elles nous permettent de faire à l’ACOSS (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale), détentrice des fonds de la Sécurité sociale, des « demandes de tirage de fonds » pour que notre compte soit approvisionné du montant nécessaire chaque jour.
MB : Je trouve que le tableau des prévisions que nous utilisons est un outil bien conçu pour nous aider dans le suivi rigoureux des dépenses et recettes prévisionnelles.
Nous avons parlé des dépenses d’une Caf, et les recettes ? A quoi correspondent-elles ?
MS : La Caf de la Loire gère des centre sociaux et une crèche qui génèrent des recettes. Nous encaissons également des recettes dans le cadre du recouvrement amiable des créances. Ces créances peuvent correspondre à des prêts octroyés aux allocataires ou partenaires, à des pensions alimentaires que la Caf recouvre pour le compte des créanciers ou résulter du versement de montants de prestations supérieurs au droit réel des bénéficiaires . A la Caf de la Loire, c’est le service Comptabilité est qui est chargé du recouvrement amiable auprès des débiteurs.
Comment se passent les contacts avec ces débiteurs ?
MB : En général, nous avons de bons contacts, nous intervenons dans le cadre du recouvrement amiable (les créances qui font l’objet d’un contentieux ne relèvent pas du service Comptabilité) et l’objectif est de trouver la meilleure solution en fonction des capacités financières du débiteur. Le remboursement est échelonné. Pour un allocataire, il prend souvent la forme de retenues sur prestations.
MS : Pour élaborer un échéancier, nous nous appuyons sur un plan de recouvrement établi au niveau national. Mais s’il apparaît peu adapté à une situation donnée, nous pouvons également utiliser le plan conçu en local. Dans la mesure du possible, nous tentons d’accéder à la demande de nos interlocuteurs.
MB : Et lorsqu’un allocataire ne peut pas payer le montant mensuel minimum de remboursement parce qu’il est en difficultés financières, nous lui proposons de faire une demande de remise de dette.
MS : Effectivement, nous avons un rôle d’information et de conseil sur les recours possibles. Et, si nous le jugeons pertinent, nous pouvons également diriger des allocataires vers les services d’action sociale de la Caf.
Nous venons de parler de vos contacts avec des allocataires, êtes-vous également en contact avec des partenaires de la Caf ?
MS : Dans le contexte du recouvrement, nous pouvons avoir des contacts avec des organismes de protection des majeurs ou délégués aux prestations familiales. Des huissiers s’adressent à nous, pour des oppositions, ainsi que la commission de surendettement qui peut exiger l’annulation d’une dette.
Nous avons aussi des échanges avec des partenaires pour des explications sur des virements correspondant à des paiements pour lesquels ils n’ont pas encore reçu de bordereau. C’est notamment le cas avec des bailleurs qui perçoivent l’aide au logement pour le compte de leurs locataires (La Caf peut en effet, avec l’accord de l’allocataire, verser le montant de son aide au logement à son bailleur qui la déduit alors du montant de son loyer).
Nous sommes également en relation avec notre caisse nationale qui nous donne des instructions sur la tenue de la comptabilité de notre Caf. D’autres organismes sont d’ailleurs habilités à nous contrôler.
Il peut y avoir des contrôles sur la comptabilité à la Caf même ?
MS : Notre comptabilité peut effectivement faire l’objet de contrôles sur site. Pour ma part, j’ai assisté dans ma carrière en Caf à des contrôles sur site effectués par la MNC (Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de Sécurité sociale) ou par la Cour des comptes. Les contrôleurs s’entretiennent surtout avec l’agent comptable et le fondé de pouvoir. Ils peuvent néanmoins demander des précisions au responsable du service Comptabilité et tout comptable peut être sollicité pour rechercher des pièces et apporter des informations complémentaires.
MB : La recherche est facilitée par la rigueur avec laquelle nous datons, numérotons et regroupons les pièces par « journée comptable » pour la bonne tenue de la comptabilité.
Cette comptabilité a-t-elle des spécificités liées au statut d’organisme de Sécurité sociale ?
MB : Oui. D’abord parce que la Caf gère des fonds publics. Avant de travailler pour la première fois à la Caf, une courte période en 2011, puis d’entrer au service Comptabilité en septembre 2012, j’avais travaillé dans des entreprises privées. Je peux donc faire la comparaison. Même si on retrouve bien entendu les mêmes bases, qu’il s’agisse des opérations quotidiennes ou des opérations annuelles telles que le dossier de clôture, la balance, le bilan, la comptabilité publique est très différente. Ce qui me semble le plus frappant est sans doute qu’il n’y a pas à mesurer de bénéfice. Le principe de la « trésorerie à 0 » des organismes de Sécurité sociale contraint aussi à un fonctionnement particulier. Lorsque je suis arrivée, j’ai été impressionnée par l’efficacité de l’organisation mise en place pour répondre à toutes les exigences.
Voyez-vous des évolutions dans la comptabilité de la Caf au fil du temps ?
MS : Je suis entrée au service Comptabilité de la Caf de St-Etienne (qui a fusionné avec la Caf de Roanne en 2011 pour donner naissance à la Caf de la Loire) en 1974 et je sens effectivement une évolution, particulièrement ces dernières années, vers une uniformisation des pratiques comptables dans les Caf. La comptabilité est une discipline rigoureuse avec des règles immuables mais qui laissent la possibilité de faire des choix. Avec le cadre de plus en plus strict fixé par la Cnaf, les Caf ont de moins en moins d’options. C’est certes contraignant, mais je trouve que c’est également rassurant et important pour la cohérence et la normalité comptable de toutes les Caf.
Dans le métier de comptable lui-même, repérez-vous des changements notables ?
MS : Sur le plan des tâches confiées, la Caf de St-Etienne a fait évoluer le métier lorsqu’elle a choisi de lui rattacher le recouvrement amiable des créances qui reste une attribution des comptables à la Caf de la Loire. Mais pour moi, les évolutions les plus évidentes dans la pratique quotidienne sont sans conteste celles qui sont liées à la technologie. Aujourd’hui, tout est informatisé, y compris les échanges avec l’ACOSS et les banques. Mais j’ai connu l’époque où nous avions une fiche manuscrite pour chaque compte et où il fallait courir à la banque ou à la trésorerie générale, formulaires en main, pour que nos virements et approvisionnements soient faits à temps !
Pourriez-vous dire ce qui vous plaît le plus aujourd’hui dans votre métier ?
MB : On a toujours une attirance plus marquée pour une tâche ou une autre, mais ce qui me plaît vraiment c’est justement la variété des activités. L’organisation du service, avec la rotation des comptables à chaque tâche, permet de ne jamais s’installer dans la monotonie !
MS : J’ai le même ressenti. J’apprécie ce métier et je revendique, comme mes collègues, la polyvalence qui, non seulement permet souplesse et réactivité du service, mais donne beaucoup d’attrait au travail. Je regrette d’ailleurs un peu qu’il soit parfois mal connu et mal reconnu.
MB : J’ai moi aussi parfois l’impression qu’on ne se rend pas compte des efforts que nous déployons pour réaliser les tâches qui sont les nôtres dans les délais très contraints que nous devons respecter. Mais j’éprouve néanmoins de grandes satisfactions dans ce métier, notamment quand je constate que nous parvenons à tout faire dans les temps, sachant que le respect des délais de paiement revêt une importance certaine pour nos usagers.